Dans L’Obeya : au-delà de l’outil de management visuel, un état d’esprit
Comment développer l’autonomie et la communication entre les équipes, qu’elles soient projet ou métier ?
De quelle façon tendre vers une meilleure maîtrise des coûts, de la qualité, des délais ?
Comment aller vers une plus grande réactivité face aux aléas et vers une grande agilité pour répondre aux attentes souvent variables des clients ?
Et comment réduire les conflits et le stress entre les personnes et atteindre plus rapidement le consensus, sinon le compromis créatif et gagnant/gagnant ?
Découvrez les réponses qu’apporte l’Obeya à ces questions au travers de l’interview de Cyril Grand, consultant, formateur expert de cette méthodologie de management de projets.
Cyril Grand – Associate, Strategy Development & Innovation + Startup Mentoring
DFLSS Master Black Belt chez Progress Partners
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Monsieur Grand, pouvez-vous nous rappeler les principes de l’Obeya ?
L’Obeya est une « grande salle » qui centralise toutes les données critiques pour un objectif partagé afin de piloter efficacement les opérations qui permettent de l’atteindre.
La première Obeya a été imaginée, au début des années 1990, chez Toyota. Ses principes trouvent leurs origines dans les 13 principes LEAN en Développement Produit (LPDS) de Toyota.
Cette salle doit être conçue comme un lieu de pilotage et d’apprentissage où chacun apprend des échanges et du partage entre les personnes. En effet, c’est un espace de prise de décisions, qui doit devenir rituel. Aussi, un rythme régulier doit être établi et maintenu.
Réunions de briefing, d’analyse d’indicateurs ou de livrables… selon leur nature, les réunions qui s’y tiennent peuvent être plus ou moins rapides et fréquentes.
Comment avez-vous découvert la méthodologie Obeya ?
Pour ma part, j’étais en poste dans l’industrie automobile lorsque j’ai dû chercher à optimiser la circulation de l’information.
Nous étions dans les années 1990, et observions les limites du fonctionnement par plateaux projets. La proximité ne suffisait pas à empêcher les problèmes de communication. Sans compter les nombreuses sollicitations et interruptions qui, à longueur de journée, nuisaient à la concentration des équipes.
C’est alors que j’ai découvert cette méthodologie de management visuel de projets et l’ai testée en installant une salle de pilotage dédiée. Le bilan en a été extrêmement convaincant.
Elle nous a tout d’abord permis de rendre visibles des informations qui ne l’étaient habituellement pas.
Quelle que soit leur position dans l’entreprise, les participants ont pu prendre la parole sur la base d’informations concrètes, affichées, claires.
L’Obeya a en outre permis d’atteindre un même niveau de compréhension et d’appréciation du projet, des plannings et des priorités du moment.
Ce lieu est devenu un espace de communication, de réflexion, de motivation et d’apprentissage.
Quels points clés expliquent selon vous le succès de cette méthode ?
Au-delà de l’outil, l’Obeya est une nouvelle approche du travail en équipe, qui induit beaucoup plus de transparence. Même les personnes les plus sceptiques auxquelles je peux avoir à faire en début de formation sur cette méthodologie reconnaissent, au final, ses atouts. D’abord, l’Obeya permet de casser les codes de la hiérarchie, puis de réduire la dimension conflictuelle des relations, et enfin de libérer la parole.
D’ailleurs, sa dimension visuelle et la simplicité des processus créés sur mesure par l’équipe sont appréciés. Effectivement, tous les participants ont une meilleure visibilité sur les délais, la qualité attendue, les risques, les coûts…
La salle Obeya permet aussi d’intégrer des personnes extérieures à l’entreprise. En effet, des fournisseurs peuvent rentrer dans une démarche de co-ingénierie ou de co-résolution de problème, et bien sûr les Clients dans un souci de flexibilité à s’adapter à leurs exigences.
Toute l’équipe connaît et comprend à la fois les règles – qui sont affichées – mais aussi le rôle de chacun. En travaillant sur des éléments tangibles, l’équipe parvient à mieux résoudre les problèmes du terrain mais aussi à mieux identifier des erreurs de conception avant la vie série d’un produit. Dans la majorité des cas, les sources d’erreur relèvent soit d’un problème de définition, soit de difficultés de communication entre les personnes et/ou les services.
Il est essentiel de comprendre que ce qui est affiché n’est pas adressé au management. L’affichage répond à un impératif de résolution de problèmes selon les priorités du moment.
Plus opérationnelles, les explications sont aussi plus claires pour tous les participants, acteurs à 100% de ce qui se joue dans la salle. Cela est également le cas dans le cadre d’e-Obeya, ces Obeyas dématérialisées organisées pour réunir des sites distants.
Qu’apporte l’Obeya aux managers ?
Implémenter cette méthodologie de management visuel peut parfois mettre en évidence des faiblesses chez certains managers, ou dans certaines équipes. Aussi, l’Obeya implique donc d’être prêt, au besoin, à remettre en question certains aspects de son mode de management. En revanche, les bénéfices à la clé sont évidents : en transformant les relations hiérarchiques, cette salle devient un lieu privilégié pour écouter son équipe.
Mieux informés, les managers adeptes de cette méthode se disent plus précis dans leurs décisions. Grâce à ce management visuel, ils challengent mieux leurs équipes, qui prennent aussi plus d’autonomie.
L’Obeya offre aussi au manager un lieu privilégié pour échanger avec les personnes d’autres services impliquées dans le projet, qu’il s’agisse des services qualité, achats, marketing, etc.
Lorsqu’ils ressortent de cette salle, tous ont un même niveau de compréhension des axes de travail et des priorités du moment. Enfin, en facilitant le partage de l’information, l’Obeya aide à briser les silos entre les services.
Comment construire une Obeya pour son projet ?
Gardez en tête que la force de l’Obeya réside en grande partie dans sa flexibilité et son agilité à être constamment en accord avec les attentes Clients.
J’accompagne une grande diversité de projets qui tirent parti des principes de cette méthode. Qu’il s’agisse des secteurs pharmaceutique, aéronautique, industriel, médical, bancaire, automobile, de l’assurance ou des services administratifs… Flexibilité et construction sur-mesure sont les maîtres mots d’une Obeya réussie. Chacune doit être construite sur-mesure, avec et pour l’équipe.
Des Obeyas spécifiques
La mise en place d’Obeyas permanentes ou temporaires peut aussi s’envisager dans des contextes spécifiques tels que :
- Groupes de résolution de problèmes
- Suivi de plans d’actions, d’un chantier Lean ou d’un projet interne
- Suivi de processus comme les modifications en « vie série » ou les « change control »
- Pilotage des routines managériales d’une entreprise, d’un atelier, d’une entité , d’un service (commerce, marketing, RH, IT, etc)
- Mise en oeuvre d’une démarche globale d’amélioration continue
- Sans oublier la fameuse « war room » dont l’aspet « cellule de crise » peut sembler antinomique avec l’Obeya censée les éviter…
Dans tous les cas, l’Obeya permet de casser des paradigmes et des sources de problèmes qui, bien souvent, sont des problèmes issus des difficultés qu’ont les personnes à communiquer entre elles.
L’Obeya permet des interactions plus fréquentes allant à l’essentiel et favorisant plus de réactivité. Dans ces conditions, les arbitrages deviennent moins conflictuels et la gestion de projets plus efficiente. De fait, nous considérons l’Obeya comme une des clés de l’entreprise libérée ou plus précisément vers l’entreprise Autonome et Responsabilisante, qui nous est chère, par ailleurs :
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Enfin, le manager adopte une attitude de Lean Management, se rend disponible et apporte son soutien à ses équipes sur le terrain.
L’Obeya facilite le suivi du projet et les prises de décisions.
Ce qui me permet de dire que plus qu’un état d’esprit, l’Obeya est un véritable « levier de management ».
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